Police et justice

La police assume à la fois une fonction de protection et de contrôle. Pour ce faire, elle peut recourir à la force dans des cas exceptionnels. Ce principe se fonde sur le monopole de la violence physique légitime. Agissant dans un domaine extrêmement sensible, la police se doit d’utiliser la force avec la plus grande retenue et de manière appropriée. Ses interventions font régulièrement l’objet de controverses, au sujet par exemple des contrôles discriminatoires. On reproche également à l’institution policière un manque de réflexion sur la discrimination raciale au sein même de l’institution.

La justice veille au respect du droit et en tant qu’organe de contrôle de l’État de droit, elle est régulièrement confrontée à des cas d’incidents racistes relevant du droit civil ou pénal. Instance de régulation, elle influence différents domaines de la politique et de la vie au niveau structurel. La manière dont la jurisprudence et le personnel judiciaire définissent et comprennent le racisme joue un rôle à cet égard, tout comme l’accès à la justice pour les personnes concernées.

Situation en Suisse

Le droit suisse interdit toute forme de discrimination injustifiée. Née d’accords internationaux, cette interdiction est inscrite dans la Constitution fédérale (cf. Aperçu du cadre juridique : Constitution fédérale art. 8, al. 2, Cst.), mais aussi dans certaines lois. Les institutions policières et judiciaires sont aussi soumises à cette disposition.

Pour aller plus loin: Guide juridique sur la discrimination raciale.

• Racisme structurel

  L’étude du SLR sur le racisme structurel constate qu’aucun travail de recherche exhaustif ne s’est penché sur la présence (latente) du racisme dans le droit suisse, l’exécution des peines ou les tribunaux. Néanmoins, la presse et différentes études ont fourni certaines indications à ce sujet. Elles concernent par exemple l’interprétation trop restrictive par la jurisprudence de l’objet protégé («race», «ethnie») par l’art. 261^bis CP et la sévérité des peines prononcées à l’encontre des personnes étrangères ou noires. Il s’agit encore de la violence structurelle raciste subie par les Yéniches dans le cadre du programme d’enlèvement d’enfants, intitulé Les enfants de la grand-route. Tant le rapporteur spécial de l’ONU que la présidente du Groupe de travail de l’ONU d’experts et expertes sur les personnes d’ascendance africaine ont évoqué l’éventualité de la présence de racisme structurel lors de l’exécution des sanctions pénales.

• Profilage racial

  Les contrôles de personnes effectués par la police, notamment, donnent régulièrement lieu à des litiges. Le profilage racial, ou délit de faciès, est interdit par la loi. Les mesures visant à prévenir ces incidents comprennent, entre autres, des instructions de service claires et contraignantes, des modules spécifiques dans la formation initiale et la formation continue, ainsi que l’existence d’instances de recours indépendantes. Des rapports des organes de contrôle internationaux (CERD, WGEPAD, ECRI) pointent régulièrement le manque de protection des individus en Suisse en cas de faute éventuelle de la police. Les personnes perçues comme «différentes» en sont plus fréquemment victimes. Les personnes noires et musulmanes, les Manouches/Sintés, les Roms et les Yéniches sont particulièrement touchés par le profilage racial.

Défis et mesures

La recherche sur le racisme institutionnel dans la police et la justice en Suisse n’est pour le moment pas suffisante. Cela tient notamment à la difficulté apparente de mener des études académiques sur des institutions importantes qui disposent de fonctions régaliennes. Le savoir existant est donc obtenu grâce à des initiatives participatives de la société civile qui documentent les expériences des personnes racisées avec la police, éclairage juridique à l’appui.

Voir aussi: Alliance contre le profilage raciste

• Profilage racial et violences policières

  Il n’existe pas non plus de données fiables récoltées systématiquement sur le profilage racial et les violences policières. Des interventions politiques demandent donc, tout comme les instances internationales des droits de l’homme (CERD, ECRI, WGEPAD), l’introduction de systèmes de récépissés pour les contrôles de police et de services indépendants et accessibles qui reçoivent les signalements et assurent un suivi. Certains cantons et villes disposent déjà d’un tel service de médiation: le canton de Genève fait figure de pionnier en la matière, puisqu’il dispose notamment d’un service indépendant chargé de recueillir des plaintes.

• Recommendations

  Dans ce contexte, l’ECRI recommande aux autorités de continuer à former les forces de la police au profilage racial et d’établir une norme de suspicion raisonnable. Il est également vivement recommandé de mettre sur pied un organe indépendant de la police et du ministère public qui serait chargé d’enquêter sur les cas présumés de discrimination raciale et de mauvaise conduite de la police. Les différences intercantonales au niveau des pratiques policières, non uniformes, des cultures d’entreprise et des méthodes de travail ne facilitent pas l’établissement et la surveillance d’une norme suisse qui traiterait par exemple de la discrimination raciale et du racisme au sein de la police. Au niveau national, cette tâche reviendrait en principe à la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) et à la Conférence des commandantes et commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS) qui devraient discuter de l’établissement de normes nationales, notamment de la manière dont les polices traitent le racisme et la discrimination raciale.

  Par ailleurs, il est nécessaire de former et de sensibiliser le personnel judiciaire, mais aussi les professionnels du droit, à la discrimination raciale, au profilage racial et, en particulier, au racisme structurel et institutionnel.

• Données incomplètes

  De manière générale, les données sur les infractions à caractère raciste font défaut ou sont incomplètes. L’ECRI déplore cette situation et demande la mise en place d’un système d’enregistrement des données et de surveillance visant tous les incidents motivés par la haine. La police doit en outre être chargée de relever les motifs de haine perçus par la victime ou toute autre personne. Ces données devraient être rendues publiques. La documentation par les corps de police des crimes de haine en Suisse est présentée dans ce document.

• Lacunes et défauts dans le droit

  La Suisse ne dispose pas d’une législation complète contre la discrimination raciale. Cette situation est régulièrement critiquée par les experts et expertes, la société civile et les organisations internationales de défense des droits. L’étude du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) Accès à la justice en cas de discrimination identifie plusieurs lacunes et défauts dans le droit matériel et formel en matière de protection contre la discrimination raciale. Le Conseil fédéral reconnaît quant à lui les problèmes existants en matière d’accès à la justice.

  Le CSDH publie régulièrement des mises à jour sur la mise en œuvre de ses recommandations: Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH)